Translate

viernes, 1 de marzo de 2013

AMOUR, un film de Michael Haneke


Trintignant et Riva, rencontre de deux légendes dans Amour

Le Figaro

Par Marie Noelle Tranchant
«On s'est dit qu'on formait un beau couple. Ce n'est pas le hasard, une distribution», explique Jean-Louis Trintignant, ici avec Emmanuelle Riva.
«On s'est dit qu'on formait un beau couple. Ce n'est pas le hasard, une distribution», explique Jean-Louis Trintignant, ici avec Emmanuelle Riva. Crédits photo : Livia CRISAFI/G19


INTERVIEW - Les deux interprètes du film de Haneke livrent leurs impressions sur un tournage poétique, intimiste et fraternel.

Dans Amour palme d'or au dernier Festival de CannesMichael Haneke réunit deux grands acteurs du cinéma français qu'on n'avait pas vus depuis longtemps à l'écran, Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant. L'héroïne avant-gardiste de Hiroshima mon amour et la vedette populaire d' Un homme et une femme se rencontrent, à 80 ans passés, pour former un couple qui vit la fin d'un long amour, affronte la maladie et la mort. Mais rien n'est moins pesant que leur duo. Que ce soit par politesse, pour conjurer la gravité du sujet ou parce qu'ils ont dépassé bien des choses, les deux comédiens octogénaires se retrouvent dans une légèreté blagueuse et poétique.
LE FIGARO. - Vous vous connaissiez bien avant Amour?
Jean-Louis TRINTIGNANT. - Petit, j'avais vu jouer Emmanuelle au cinéma, et j'avais été impressionné…
Emmanuelle RIVA(riant). - Jean-Louis tient beaucoup à faire savoir qu'il est plus jeune que moi. C'est une coquetterie bien inutile puisque c'est la réalité. Il a deux ou trois ans de moins que moi, mais on ne va pas les lui enlever, n'est-ce pas?
Étiez-vous aussi gais, sur le plateau?
J.-L. T. - L'histoire était tellement oppressante que si on n'avait pas ri…
E. R. - On avait des fous rires, sur le plateau. Haneke aussi. Je me souviens d'une prise où j'étais censée être morte. Il est arrivé en éclatant de rire: on voyait mes orteils bouger.
Comment avez-vous réagi quand il vous a proposé ce film?
J.-L. T. - J'ai été enthousiasmé, tout de suite. Curieusement, je l'avais découvert six mois auparavant en voyant­ Caché , et j'avais dit à des amis: «Je ne fais plus de cinéma depuis seize ans, mais si Haneke me demandait de tourner un film avec lui, je le ferais.»
E. R. - Moi aussi, j'ai été emballée à l'idée de représenter la personne et toute l'histoire d'Anne. Arriver à ce point de la vie, avec l'âge qui vous envahit, et se voir offrir un rôle pareil, c'est magnifique. Et très rare, pour une femme.
J.-L. T. - Pour les hommes aussi.

Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva.
Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva. Crédits photo : Denis Manin/Les Films du Losange

Et vous retrouver tous les deux?
J.-L. T. - On s'est dit qu'on formait un beau couple. Ce n'est pas le hasard, une distribution.
E. R. - En tout cas, nous allons très bien ensemble. Et c'est l'avis de tous les spectateurs. On sent la longueur de la vie commune. Et c'est beau.
Vieillir, souffrir, mourir… Le sujet ne vous a pas fait peur?
J.-L. T. - (Levant le doigt, comme à l'école) J'y avais déjà réfléchi…
E. R. - On y pensait avant. Ça n'empêche pas de craquer, parfois.
J.-L. T. - Si on vous donne un rôle de cow-boy, c'est assez lointain. Tandis que là, on se ressemble de très près. Comment ne pas se reconnaître?…
Mais le film s'appelle Amour. Le titre indique-t-il sa véritable tonalité, pour vous?
E. R. - C'est certain. Et j'aime que le mot soit isolé, absolu. Ce n'est pas «un amour», ce n'est pas «l'amour», mais «amour». Comme une personne, une véritable personne entre eux.
J.-L. T. - Le film a eu d'autres titres, mais quand on m'a demandé ce que je pensais d'Amour, j'ai dit qu'on ne pouvait pas trouver mieux.
Comment avez-vous travaillé avec Haneke?
J.-L. T. - Il donnait des indications très simples, quotidiennes. Ou pas d'indication du tout: quand je lui ai demandé ce que mon personnage faisait, à la fin, il m'a répondu: «Ce que vous voulez…» Son style me fait penser au nouveau roman: on raconte des actions, pas des états d'âme. On atteint une émotion, mais elle ne vient pas de lui, qui fait un récit froid, ni de nous, qui jouons les situations, simplement. On interprète toujours trop, dans les films. Je me souviens d'un de mes premiers films où le réalisateur voulait que je consulte ma montre de temps à autre, pour signifier que j'attendais…
E. R. - C'est typique d'une mauvaise direction d'acteur… Avec Haneke, qui n'est jamais dans l'à peu près, l'avantage c'est que quand il dit «ça va», on le croit. Et le seul fait d'avoir été choisi par lui donne une force au départ. Ce que j'ai ressenti de plus fort sur ce tournage, c'est une grande union, quelque chose de très fraternel.
J.-L. T. - Il y avait une équipe de soixante-cinq personnes, mais quand on tournait, Haneke ne voulait pas qu'on soit plus de huit. Dans cette intimité, le technicien qui pousse le travelling respire vraiment avec nous, on partage le même silence.
Ce que vous gardez d'Amour?
J.-L. T. - La chance inespérée d'une expérience poétique nouvelle. Parce que Michael Haneke est avant tout un grand poète.
E. R. - Il me fait penser à ce mot de ­Mozart: «Je cherche les notes qui s'aiment.»

No hay comentarios:

Publicar un comentario